vendredi 3 décembre 2010

LA JOIE CRÉATRICE

Une joie cristalline et rieuse s'installe dans un corps régénéré. Il est puissance d'Amour dès qu'il se fond dans l'immensité d'une autre perception, dès qu'il participe au rythme universel de l'existence. Si plus rien ne se superpose, aucun commentaire, aucune pensée de séparation telle que "il faudrait" que ma joie se présente de telle ou telle façon, alors cette joie est pionnière et créatrice. Elle ne s'organise pas en but ou en devoir, elle est libre, elle s'envole toute seule et se nourrit de sa propre extase. Aucune barrière ne la contrôle ni ne la canalise. Elle est, de toute éternité la force de vie et sa danse jaillit sans contrôle, sans raison. C'est la fête à tous les étages, dans tous les recoins de l'existence, dans le corps entier jusqu'au noyau des cellules.

La souffrance a la réputation jusqu'à présent d'être un moteur d'évolution et tous les "pouvoirs" qu'ils soient temporels ou spirituels ont encouragé cette façon de voir : souffrez maintenant pour mériter les lendemains qui chantent ou le Paradis. Tant que notre aveuglement ne nous aura pas quittés elle restera, c'est incontestable, un moyen de nous réveiller, mais est-elle vraiment nécessaire ? N'est-il pas possible d'inventer d'autres moyens d'évoluer? Pourquoi ne pas laisser pousser en nous la liberté créatrice dans laquelle elle disparaît ?
En se rapprochant de soi-même, en activant le feu central qui est naissance de l'Être, la souffrance pourra-t-elle encore échapper à l'incendie ?

Mais voyons de plus près la nature de la souffrance : elle est la résultante inéluctable de la séparation. Aussitôt que cette évidence est constatée, qu'elle est vue et comprise dans l'éclair de la conscience, il y a possibilité de retournement. Aimée et acceptée la souffrance se transforme en joie car elle entre et se dissout dans l'océan de félicité qui envahit la particule aussitôt qu'elle rejoint le tout.

La souffrance est parfois aussi le gardien du seuil, le dragon qui veille aux portes de l'initiation, le bouchon qui saute pour libérer l'Éden Intérieur lorsque l'âme atteint sa maturité.
À l'occasion d'un épisode mineur je m'avance sur le chemin d'une compréhension qui se modifie comme n'importe quelle découverte lorsqu'elle se présente dans le champ de la transformation. Voici l'incident étrange qui m'a été donné : un moment d'absence, d'inattention me plonge dans une erreur d'interprétation. Je suis persuadée I qu'un cri horrible m'est adressé dans un lieu public. Plein de reproche et d'épouvanté, il me ramène brusquement dans un passé terrifiant. Une vieille culpabilité monstrueuse accompagnée de panique me montre la présence d'un abcès à crever. Cette culpabilité est si ancienne que je n'en connais pas les origines, mais elle fait partie de la moelle de mes os.

En plongeant dans cet Enfer pour m'unir à lui, l'épaisseur d'épouvanté se dissipe. Elle cache un feu ardent de joie, une source jaillissante et libératrice. Me voilà de nouveau sur les ailes d'une félicité pétillante et radieuse qui fait éclater toutes les entraves. Cette joie longtemps comprimée dans les prisons de la culpabilité et de la terreur exprime d'autant mieux sa puissance, comme si cette puissance était proportionnelle à la pesanteur de l'enfermement qu'elle a subi. En ouvrant les vannes, en brisant les barrières, en laissant exploser les constructions mentales, une aide venant de l'inconnu se présente à l'instant même où la peur est aimée, où la souffrance est acceptée, accueillie, assimilée jusqu'à la substance de l'être, là où se situe le ferment transformateur.

Extrait de "Jubilation cellulaire" de Marianne Dubois

L'appel de la joie
(Campanula medium)


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