mercredi 12 janvier 2011

Descente de la Force

Extraits du livre de Satprem: "Sri Aurobindo ou L’Aventure de la Conscience"

Le yoga intégral décrit par la Mère et Aurobindo est un yoga original. Il ne consiste pas en une série complexe de postures, d'exercices, de japa, etc... Mais surtout, il n'utilise pas une force ascendante (Kundalini) mais au contraire une force descendante (Shakti).

Description de Satprem sur le point de contact avec la Shakti.













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“Et peu à peu le vide s’emplit. On fait alors une série d’observations et d’expériences d’une importance considérable, qu’il serait faux de présenter comme une séquence logique, car à partir du moment où l’on quitte le vieux monde, on s’aperçoit que tout est possible, et surtout qu’il n’y a pas deux cas semblables – d’où l’erreur de tous les dogmatismes spirituels. Nous pouvons seulement tracer quelques lignes générales d’expérience.

Satprem poursuit:


“Tout d’abord, lorsque la paix mentale est relativement établie, à défaut de silence absolu, et que notre aspiration ou notre besoin a grandi, est devenu constant, lancinant, comme un trou qu’on porte en soi, on observe un premier phénomène qui aura des conséquences incalculables pour tout le reste de notre yoga.

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“On sent, autour de la tête et plus spécialement dans la nuque, comme une pression inusitée, qui peut donner la sensation d’un faux mal de tête. Au début, on ne peut guère la supporter longtemps et on se secoue, on se déconcentre, on “pense à autre chose”.


“Petit à petit, cette pression prend une forme plus distincte et on sent un véritable courant qui descend – un courant de force, qui n’est pas semblable à un courant électrique désagréable, mais plutôt à une masse fluide.

“On s’aperçoit alors que la “pression” ou le faux mal de tête du début était simplement causé par notre résistance à la descente de cette Force, et que la seule chose à faire est de ne pas obstruer le passage (c’est-à-dire bloquer le courant dans la tête), mais de le laisser descendre à tous les étages de notre être, du haut en bas.

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“Ce courant, au début, est assez spasmodique, irrégulier, et il faut un léger effort conscient pour se rebrancher sur lui quand il s’est estompé; puis il devient continu, naturel, automatique, et il donne la sensation très agréable d’une énergie fraîche, comme une autre respiration, plus vaste que celle de nos poumons, qui nous enveloppe, nous baigne, nous allège et, en même temps, nous emplit de solidité. L’effet physique ressemble assez exactement à celui que l’on éprouve quand on marche dans le vent.

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“En réalité, on ne s’aperçoit vraiment de son effet (car il s’installe très graduellement, par petites doses) que quand, pour une raison ou une autre, distraction, erreur, excès, on s’est coupé du courant; alors on se retrouve soudain vidé, rétréci, comme si l’on manquait d’oxygène tout à coup, avec la très désagréable sensation d’un racornissement physique; on est comme une vieille pomme vidée de son soleil et de son jus. Et l’on se demande vraiment comment on a pu vivre avant, sans cela.

Satprem ajoute:

“C’est une première transmutation de nos énergies.”

Satprem poursuit plus loin:


“Au lieu de puiser à la source commune, en bas et autour, dans la vie universelle, nous puisons en haut. Et c’est une énergie beaucoup plus claire et beaucoup plus soutenue, sans trous, et surtout beaucoup plus vive. Dans la vie quotidienne, au milieu de notre travail et des mille occupations, le courant de force est tout d’abord assez dilué, mais, dès que nous nous arrêtons un instant et que nous nous concentrons, c’est un envahissement massif. Tout s’immobilise. On est comme une jarre pleine: la sensation de “courant” disparaît même comme si tout le corps, de la tête aux pieds, était chargé d’une masse d’énergie compacte et cristalline à la fois (un bloc de paix solide et frais, dit Sri Aurobindo [dans] Letters on Yoga); et si notre vision intérieure a commencé à s’ouvrir, nous nous apercevons que tout est bleuté; on est comme une aigue-marine; et vaste, vaste. Tranquille, sans une ride. Et cette fraîcheur indescriptible. Vraiment, on a plongé dans la Source.


“Car cette “force descendante” est la Force même de l’Esprit - Shakti. La force spirituelle n’est pas un mot. Finalement, il ne sera plus nécessaire de fermer les yeux et de se retirer de la surface pour la sentir; à tout moment elle sera là, quoi que l’on fasse, que l’on mange, que l’on lise, que l’on parle; et on verra qu’elle prend une intensité de plus en plus grande à mesure que l’organisme s’habitue; en fait, c’est une masse d’énergie formidable, qui n’est limitée que par la petitesse de notre réceptivité ou de notre capacité.

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“Quand ils parlent de leur expérience de cette Force descendante, les disciples de Pondichéry disent: “La Force de Sri Aurobindo et de la Mère”; ils n’entendent pas par là que cette Shakti soit la propriété personnelle de Sri Aurobindo et de la Mère; ils expriment ainsi, sans le vouloir, le fait qu’elle n’a son équivalent dans aucun autre yoga connu.

[...]


“Nous touchons ici, expérimentalement, la différence fondamentale entre le yoga intégral de Sri Aurobindo (purna yoga) et les autres yogas. Si l’on essaye d’autres méthodes de yoga avant celle de Sri Aurobindo, on s’aperçoit, en effet, d’une différence pratique essentielle: au bout d’un certain temps, on a l’expérience d’une Force ascendante (appelée kundalinî en Inde), qui s’éveille assez brutalement dans notre être à la base de la colonne vertébrale et s’élève de niveau en niveau jusqu’à ce qu’elle ait atteint le sommet du crâne, où elle semble éclore dans une sorte de pulsation lumineuse, rayonnnante, qui s’accompagne d’une sensation d’immensité (et souvent d’une perte de conscience, qu’on appelle extase) comme si l’on avait débouché éternellement Ailleurs. Tous les procédés yoguiques, que nous pourrions appeler thermogénérateurs (âsana du hatha yoga, concentrations du râja yoga, exercices respiratoires ou prânâyâma, etc.) visent à l’éveil de cette Force ascendante; ils ne vont pas sans dangers ni perturbations profondes, ce qui rend indispensables la présence et la protection d’un Maître éclairé. Nous y reviendrons. Cette différence de sens du courant, ascendant ou descendant, tient à une différence d’orientation que nous ne saurions trop souligner.

“Les yogas traditionnels et, nous le supposons, les disciplines religieuses occidentales, visent essentiellement à la libération de la conscience: tout l’être est tendu vers le haut dans une aspiration ascendante; il cherche à briser les apparences et à émerger là-haut, dans la Paix ou l’extase. D’où l’éveil de cette Force ascendante.

[...]

“Mais, on l’a vu, le but de Sri Aurobindo n’est pas seulement de monter, mais de descendre, pas seulement de filer dans la Paix éternelle, mais de transformer la Vie et la Matière, et d’abord cette petite vie et ce coin de matière que nous sommes. D’où l’éveil, ou plutôt la réponse de cette Force descendante. Notre expérience du courant descendant est l’expérience de la Force transformatrice. C’est Elle qui fera le yoga pour nous, automatiquement (pourvu qu’on la laisse faire), Elle qui remplacera nos énergies vite essoufflées et nos efforts maladroits, Elle qui commencera par où finissent les autres yogas, illuminant d’abord le sommet de notre être, puis descendant de niveau en niveau, doucement, paisiblement, irrésistiblement (notons bien qu’Elle n’est jamais violente; sa puissance est étrangement dosée, comme si Elle était conduite directement par la Sagesse de l’Esprit) et c’est Elle qui universalisera notre être tout entier, jusqu’en bas. C’est l’expérience de base du yoga intégral.

Satprem poursuit et termine cette partie du livre (Descente de la Force) en citant Letters on Yoga de Sri Aurobindo:

“Quand la Paix est établie, la Force supérieure ou divine, d’en haut, peut descendre et travailler en nous. D’habitude, elle descend d’abord dans la tête et libère les centres mentaux, puis dans le centre du cœur … puis dans la région du nombril et des centres vitaux … puis dans la région du sacrum et plus bas … Elle travaille, à la fois, au perfectionnement et à la libération de notre être; elle reprend notre nature tout entière, partie par partie, et la traite, rejetant ce qui doit être rejeté, sublimant ce qui doit être sublimé, créant ce qui doit être créé. Elle intègre, harmonise, établit un rythme nouveau dans notre nature.” [Sri Aurobindo, Letters on Yoga]


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