Réaliser l'expérience de Dieu grâce au contact
transformateur d'un gourou ou de quelque adepte sans un effort personnel n'est
que velléité. En premier lieu, les yogis assez sages pour pouvoir impartir par
leur seule sagesse l'expérience divine à un sâdhaka [aspirant spirituel]
indépendamment de la compétence de ce dernier sont très, très rares. Par
ailleurs, ces sages exceptionnels se tiennent à l'écart de toute publicité et
n'exhibent pas ordinairement leurs pouvoirs spirituels. Aussi, rencontrer ces rares
âmes pour leur contact transformateur est extrêmement difficile. L'expérience
spirituelle n'est pas une chose qui s'échange contre de l'or ou de l'argent.
Il existe de nos jours des professeurs de yoga qui semblent
vouloir commercialiser Dieu, le Yoga et la religion, et qui prétendent pouvoir
transformer un individu et mettre n'importe qui en mesure de réaliser Dieu en
un jour, voire une minute. Dans la plupart des cas ces gens sont des fraudeurs.
Par conséquent, ne nous reposons pas sur nos lauriers avec l'espoir qu'un
gourou viendra un jour à notre rencontre ou même répondra à notre appel pour
nous montrer la lumière spirituelle sans effort de notre part, soit dans une
autodiscipline, soit dans une contemplation et une méditation spirituelles
traditionnelles. Même pour avoir une vision temporaire de Dieu, il faut lutter
durement et s'adonner à une vie spirituelle intense.
Le sentier de la réalisation de Dieu, dit-on, est comme le
fil tranchant du rasoir. L'effort spirituel peut se comparer à un combat serré
qui exige une discipline ardue, un courage et une patience des plus grands et
une activité continuelle plus intense qu'il n'est requis d'un guerrier
ordinaire sur le champ de bataille. Le soldat spirituel doit être, à chaque
moment de sa vie, aussi vigilant qu'actif ; il doit examiner minutieusement ses
motifs et son attitude, et agir avec circonspection de crainte que son travail
ne devienne mécanique ou simplement routinier ; un effort mécanique serait
stérile.
Un peu d'indolence et de manque d'intérêt de la part du
chercheur spirituel, et son ascension vers Dieu peut être interrompue. Un petit
écart dans sa motivation et il peut s'écrouler instantanément. Un rien
d'intérêt pour les choses de ce monde qui s'insinue dans son cœur, et sa
victoire spirituelle est handicapée. Tout gain matériel ne signifie pas
forcément une perte spirituelle, mais le désir de chaque gain matériel signifie
un ralentissement proportionnel dans le zèle au service de l'Éternel. Chérissez
les plaisirs profanes et vous perdez la dynamique divine (ânanda). Pourquoi en
est-il ainsi ? Dieu seul le sait ! Mais c'est un fait indéniable. "Meurs
et entre dans la Vie" est la règle divine.
La Sadhana, toutefois, n'est jamais sans heurts. Le plus
souvent elle est faite de hauts et de bas. Tout au long de la Voie — et surtout
lorsqu'il atteint des plateaux stériles et rencontre des épreuves et des
tentations — le sâdhaka doit s'armer de persévérance.
Le vrai chercheur spirituel (uttama sâdhaka) est toujours
poussé vers l'avant par une détermination ferme et sans compromission qui
correspond exactement à l'exhortation populaire : "Marche ou crève".
Les obstacles ne le rebutent ni ne l'épuisent et le temps ne le décourage pas
non plus. "Que l'expérience divine prenne un instant ou d'innombrables
naissances, je ne m'arrêterai pas, quoi qu'il arrive, tant que je ne L'aurai
pas trouvé." C'est là le bon esprit qui l'anime et qui seul peut le mener
jusqu'à Dieu.
La persévérance toutefois ne doit pas être confondue avec la
complaisance. Elle exige que nous assumions notre tâche spirituelle résolument
et patiemment, malgré toutes les difficultés, les dépressions et les dangers du
"voyage".
~ Chandra Swami
L'art de la réalisation